mercredi 18 février 2009

Et si la fin du monde avait déjà commencé.

Un article de la page « opinions » du Monde (Crise : le choc est à venir, par Harald Welzer) revenait récemment sur la crise financière. Je n’ai jusqu’à présent que très peu parlé de celle-ci, alors que tous mes systèmes de veille informationnelle me font remonter en permanence des articles utilisant un vocabulaire apocalyptique particulièrement dramatique. Si je devais reprendre toutes les infos qui usent du glossaire catastrophique, je ne parlerais que de sport, « après sa dernière défaite, c’est vraiment la fin du monde pour l’OM / le PSG / l’OL / les Bleus (rayer la mention inutile) », ou d’économie « Wall Street/La Bourse/La City  et l’Armageddon ». Mais cet article posait une question assez troublante : Et si c’était vraiment la fin du monde, serions nous réellement capable de nous en rendre compte ?

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« Notons d'abord qu'un événement, considéré comme historique par la postérité, est rarement perçu comme tel en temps réel. Rétrospectivement on s'étonne qu'un Kafka, le jour où l'Allemagne déclara la guerre à la Russie, ait seulement consigné dans son journal de façon lapidaire : "l'Allemagne a déclaré la guerre à la Russie. - Après-midi : cours de natation". »
Difficile en effet d’être un historien de son propre temps, pour Harald Welzer, c’est le train train quotidien qui nous empêche de percevoir les modifications profondes que nous vivons, de saisir « the big picture ». Les supermarchés sont remplis, les bus passent, les JT commencent à 20h, tout roule. Encore plus difficile de vivre en permanence sous un discours de double contrainte(*), « consomme plus » pour la croissance ET « pollue moins » pour l’environnement, sans devenir fou ou recourir à la « dissonance cognitive ». D’autant plus que dans le bordel médiatico-informationnel qui nous entoure on entend tout et n’importe quoi, depuis « c’est pas notre faute » à « de toute façon c’est trop tard ». Les anglo-saxons ont une jolie formule pour la fin du monde, "The end of the world as we know it" ; quand la police française vient arrêter les enfants de clandestins dans les écoles, n'est ce pas un peu la fin du monde tel que nous le connaissons ?

Pour couronner le tout, si Rome ne s’est pas construite en un jour, elle a mis également plusieurs siècles à s’effondrer. Qui aurait put jouer le rôle de Gibbon en temps réel ? Qui aujourd’hui pour dire comment dépasser les crises financières, énergétiques et climatiques ? Personne pour Harald Welzer, car la pire des crises, selon lui c’est celle du politique.

«  Des sociétés qui se contentent de satisfaire leur besoin de sens par la consommation n'ont, (…) plus de filet pour retarder leur chute. Cela tombe au moment où les experts n'ont aucun plan à proposer. Peut-être leur vol à l'aveuglette est-il le signe d'une renaissance. Celle du politique »
Harald WelzerHarald Welzer est un psychosociologue allemand, chercheur au Kulturwissenschaftlichen Institut d'Essen. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la mémoire et la perception des événements historiques.L'étude qu'il a dirigée "Opa war kein Nazi" ("Grand-père n'était pas nazi") a été un best-seller en Allemagne (Fischer, 2002). "Les Exécuteurs : des hommes normaux aux meurtriers de masse" (Gallimard, 2007)
(*)La double contrainte exprime deux contraintes qui s'opposent : l'obligation de chacune contenant une interdiction de l'autre, ce qui rend la situation a priori insoluble.
Ce terme est une traduction propre au français de double bind ( « double lien » ), mais dans un premier temps il était question d'injonctions paradoxales. Cette notion est proposée en 1956 dans le contexte de la présentation d'une théorie des causes de la schizophrénie sous l'impulsion de Gregory Bateson .
Source Wikipédia

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