« Notons d'abord qu'un événement, considéré comme historique par la postérité, est rarement perçu comme tel en temps réel. Rétrospectivement on s'étonne qu'un Kafka, le jour où l'Allemagne déclara la guerre à la Russie, ait seulement consigné dans son journal de façon lapidaire : "l'Allemagne a déclaré la guerre à la Russie. - Après-midi : cours de natation". »Difficile en effet d’être un historien de son propre temps, pour Harald Welzer, c’est le train train quotidien qui nous empêche de percevoir les modifications profondes que nous vivons, de saisir « the big picture ». Les supermarchés sont remplis, les bus passent, les JT commencent à 20h, tout roule. Encore plus difficile de vivre en permanence sous un discours de double contrainte(*), « consomme plus » pour la croissance ET « pollue moins » pour l’environnement, sans devenir fou ou recourir à la « dissonance cognitive ». D’autant plus que dans le bordel médiatico-informationnel qui nous entoure on entend tout et n’importe quoi, depuis « c’est pas notre faute » à « de toute façon c’est trop tard ». Les anglo-saxons ont une jolie formule pour la fin du monde, "The end of the world as we know it" ; quand la police française vient arrêter les enfants de clandestins dans les écoles, n'est ce pas un peu la fin du monde tel que nous le connaissons ?
Pour couronner le tout, si Rome ne s’est pas construite en un jour, elle a mis également plusieurs siècles à s’effondrer. Qui aurait put jouer le rôle de Gibbon en temps réel ? Qui aujourd’hui pour dire comment dépasser les crises financières, énergétiques et climatiques ? Personne pour Harald Welzer, car la pire des crises, selon lui c’est celle du politique.
« Des sociétés qui se contentent de satisfaire leur besoin de sens par la consommation n'ont, (…) plus de filet pour retarder leur chute. Cela tombe au moment où les experts n'ont aucun plan à proposer. Peut-être leur vol à l'aveuglette est-il le signe d'une renaissance. Celle du politique »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire